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Décision du Conseil constitutionnel du 16 septembre 2010

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Dans cette décision, le Conseil constitutionnel déclare valide l’ensemble des articles du Code de procédure pénale qui concernent le fichage Adn, et ne concède qu’une petite « réserve d’interprétation »

Cette réserve d’interprétation concerne l’article 706-54, troisième alinéa. Jusque là, on considérait que « les crimes et délits » qui pouvaient donner lieu à un « rapprochement » de l’empreinte avec le fichier, mais pas à la conservation de celle-ci, étaient tous types de crimes ou délits. Le Conseil constitutionnel précise qu’il ne peut s’agir en fait que des crimes et délits dont la liste est donnée à l’article 706-55. Par conséquent, les flics ne peuvent jamais demander l’Adn pour une infraction qui n’est pas dans la liste de l’article 706-55 (rappelons que cette liste est très large, mais que l’outrage, par exemple, n’y figure pas).

La différence entre le deuxième et le troisième alinéa de l’article 706-54, c’est à dire entre le prélèvement pour « conservation » et celui pour « rapprochement », tient donc à deux formulations différentes. La conservation est possible pour toute personne contre laquelle il existe des « indices graves ou concordants » qu’elle a commis ou tenté de commettre une des infractions de la liste de l’article 706-55. Le rapprochement, quand à lui, concerne toute personne contre laquelle il existe des « raisons plausibles de soupçonner » qu’elle a commis ou tenté de commettre les mêmes infractions. Le délit de refus de prélèvement sera constitué dans les deux cas. Il ne sera possible de jouer sur l’absences d’indices que dans le cas où le prélèvement aura été effectué en vue de la conservation de la trace dans le fichier (voir la jurisprudence correspondante sur ce site).

On peut relever également le considérant N°25, dont la défense doit pouvoir s’inspirer lorsque les flics, après un premier refus de prélèvement Adn lors d’une garde à vue, s’obstinent à convoquer à nouveau la personne pour le lui demander une seconde fois. Il n’est en effet pas certain que le refus, dans cette hypothèse, soit punissable.

Ajoutons que lors de l’audition devant le Conseil constitutionnel, des chiffres ont été révélés. Ainsi, selon les services du premier ministre, il y avait au 1 juin 2010 très exactement 1 050 598 personnes qui étaient fichées au FNAEG après qu’elles aient été suspectées, et environ 313 000 fichées après une condamnation (soit un total de plus de 1 360 000 personnes fichées). Enfin, en 2008, 597 personnes ont été condamnées pour refus de prélèvement biologique.



Le Conseil constitutionnel a été saisi le 17 juin 2010 par la Cour de cassation (arrêt n° 12071 du 11 juin 2010), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Jean-Victor C., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des deuxième et troisième alinéas de l’article 706-54 du code de procédure pénale, de l’article 706-55 et du premier alinéa du paragraphe II de l’article 706-56 du même code ainsi que de l’article 29 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ;

Vu la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-467 DC en date du 13 mars 2003 ;

Vu la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance ;

Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Vu les observations produites pour M. C. par la SCP Waquet-Farge-Hazan, avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, enregistrées le 12 juillet 2010 ;

Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 12 juillet 2010 ;

Vu les pièces produites et jointes au dossier ;

Me Hélène Farge pour M. C. et M. Thierry-Xavier Girardot, désigné par le Premier ministre, ayant été entendus à l’audience publique du 9 septembre 2010 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

1. Considérant que la question prioritaire de constitutionnalité formulée par le requérant vise les « articles 706-54, alinéas 2 et 3, 706-55 et 706-56, II alinéa 1er, du code de procédure pénale ainsi que l’article 29 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 » ; que ce dernier texte a pour unique objet de donner une nouvelle rédaction aux articles 706-54 à 706-56 du code de procédure pénale ; que la question prioritaire de constitutionnalité doit être regardée comme portant sur les dispositions applicables au litige à l’occasion duquel elle a été posée ; qu’ainsi le Conseil constitutionnel est saisi de l’article 706-55, dans sa rédaction en vigueur, et des articles 706-54 et 706-56 dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2010-242 du 10 mars 2010 ;

2. Considérant, dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 mars 2010 précitée, l’article 706-54 du code de procédure pénale dispose : « Le fichier national automatisé des empreintes génétiques, placé sous le contrôle d’un magistrat, est destiné à centraliser les empreintes génétiques issues des traces biologiques ainsi que les empreintes génétiques des personnes condamnées pour l’une des infractions mentionnées à l’article 706-55 en vue de faciliter l’identification et la recherche des auteurs de ces infractions.
« Les empreintes génétiques des personnes à l’encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles aient commis l’une des infractions mentionnées à l’article 706-55 sont également conservées dans ce fichier sur décision d’un officier de police judiciaire agissant soit d’office, soit à la demande du procureur de la République ou du juge d’instruction ; il est fait mention de cette décision au dossier de la procédure. Ces empreintes sont effacées sur instruction du procureur de la République agissant soit d’office, soit à la demande de l’intéressé, lorsque leur conservation n’apparaît plus nécessaire compte tenu de la finalité du fichier. Lorsqu’il est saisi par l’intéressé, le procureur de la République informe celui-ci de la suite qui a été réservée à sa demande ; s’il n’a pas ordonné l’effacement, cette personne peut saisir à cette fin le juge des libertés et de la détention, dont la décision peut être contestée devant le président de la chambre de l’instruction.
« Les officiers de police judiciaire peuvent également, d’office ou à la demande du procureur de la République ou du juge d’instruction, faire procéder à un rapprochement de l’empreinte de toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis un crime ou un délit, avec les données incluses au fichier, sans toutefois que cette empreinte puisse y être conservée.
« Le fichier prévu par le présent article contient également les empreintes génétiques issues des traces biologiques recueillies à l’occasion des procédures de recherche des causes de la mort ou de recherche des causes d’une disparition prévues par les articles 74, 74-1 et 80-4 ainsi que les empreintes génétiques correspondant ou susceptibles de correspondre aux personnes décédées ou recherchées.
« Les empreintes génétiques conservées dans ce fichier ne peuvent être réalisées qu’à partir de segments d’acide désoxyribonucléique non codants, à l’exception du segment correspondant au marqueur du sexe.
« Un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés détermine les modalités d’application du présent article. Ce décret précise notamment la durée de conservation des informations enregistrées » ;

3. Considérant que l’article 706-55 du même code dispose : « Le fichier national automatisé des empreintes génétiques centralise les traces et empreintes génétiques concernant les infractions suivantes :
« 1° Les infractions de nature sexuelle visées à l’article 706-47 du présent code ainsi que le délit prévu par l’article 222-32 du code pénal ;
« 2° Les crimes contre l’humanité et les crimes et délits d’atteintes volontaires à la vie de la personne, de torture et actes de barbarie, de violences volontaires, de menaces d’atteintes aux personnes, de trafic de stupéfiants, d’atteintes aux libertés de la personne, de traite des êtres humains, de proxénétisme, d’exploitation de la mendicité et de mise en péril des mineurs, prévus par les articles 221-1 à 221-5, 222-1 à 222-18, 222-34 à 222-40, 224-1 à 224-8, 225-4-1 à 225-4-4, 225-5 à 225-10, 225 12-1 à 225-12-3, 225-12-5 à 225-12-7 et 227-18 à 227-21 du code pénal ;
« 3° Les crimes et délits de vols, d’extorsions, d’escroqueries, de destructions, de dégradations, de détériorations et de menaces d’atteintes aux biens prévus par les articles 311-1 à 311-13, 312-1 à 312-9, 313-2 et 322-1 à 322-14 du code pénal ;
« 4° Les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, les actes de terrorisme, la fausse monnaie et l’association de malfaiteurs prévus par les articles 410-1 à 413-12, 421-1 à 421-4, 442-1 à 442-5 et 450-1 du code pénal ;
« 5° Les délits prévus par les articles L. 2353-4 et L. 2339-1 à L. 2339-11 du code de la défense ;
« 6° Les infractions de recel ou de blanchiment du produit de l’une des infractions mentionnées aux 1° à 5°, prévues par les articles 321-1 à 321-7 et 324-1 à 324-6 du code pénal » ;

4. Considérant que l’article 706-56 du même code, dans la rédaction antérieure à la loi du 10 mars 2010 précité, dispose : « I. L’officier de police judiciaire peut procéder ou faire procéder sous son contrôle, à l’égard des personnes mentionnées au premier, au deuxième ou au troisième alinéa de l’article 706-54, à un prélèvement biologique destiné à permettre l’analyse d’identification de leur empreinte génétique. Préalablement à cette opération, il peut vérifier ou faire vérifier par un agent de police judiciaire placé sous son contrôle que l’empreinte génétique de la personne concernée n’est pas déjà enregistrée, au vu de son seul état civil, dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques.
« Pour qu’il soit procédé à cette analyse, l’officier de police judiciaire peut requérir toute personne habilitée dans les conditions fixées par l’article 16-12 du code civil, sans qu’il soit toutefois nécessaire que cette personne soit inscrite sur une liste d’experts judiciaires ; dans ce cas, la personne prête alors par écrit le serment prévu au deuxième alinéa de l’article 60 du présent code. Les réquisitions prévues par le présent alinéa peuvent également être faites par le procureur de la République ou le juge d’instruction.
« Les personnes requises conformément à l’alinéa précédent peuvent procéder, par tous moyens y compris télématiques, à la demande de l’officier de police judiciaire, du procureur de la République ou du juge d’instruction, aux opérations permettant l’enregistrement des empreintes dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques.
« Lorsqu’il n’est pas possible de procéder à un prélèvement biologique sur une personne mentionnée au premier alinéa, l’identification de son empreinte génétique peut être réalisée à partir de matériel biologique qui se serait naturellement détaché du corps de l’intéressé.
« Lorsqu’il s’agit d’une personne condamnée pour crime ou pour un délit puni de dix ans d’emprisonnement, le prélèvement peut être effectué sans l’accord de l’intéressé sur réquisitions écrites du procureur de la République.
« II. ° Le fait de refuser de se soumettre au prélèvement biologique prévu au premier alinéa du I est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
« Lorsque ces faits sont commis par une personne condamnée pour crime, la peine est de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
« Nonobstant les dispositions des articles 132-2 à 132-5 du code pénal, les peines prononcées pour les délits prévus au présent article se cumulent, sans possibilité de confusion, avec celles que la personne subissait ou celles prononcées pour l’infraction ayant fait l’objet de la procédure à l’occasion de laquelle les prélèvements devaient être effectués.
« Le fait, pour une personne faisant l’objet d’un prélèvement, de commettre ou de tenter de commettre des manœuvres destinées à substituer à son propre matériel biologique le matériel biologique d’une tierce personne, avec ou sans son accord, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
« III. ° Lorsque les infractions prévues par le présent article sont commises par une personne condamnée, elles entraînent de plein droit le retrait de toutes les réductions de peine dont cette personne a pu bénéficier et interdisent l’octroi de nouvelles réductions de peine » ;

- SUR L’ARTICLE 706-54 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE :

5.Considérant que, selon le requérant, les deuxième et troisième alinéas de l’article 706-54, qui autorisent l’officier de police judiciaire à décider d’office d’un prélèvement biologique aux fins de rapprochement ou d’enregistrement au fichier national automatisé des empreintes génétiques, portent atteinte à l’article 66 de la Constitution ; qu’il soutient, en outre, que le troisième alinéa de l’article 706-54, qui autorise un prélèvement biologique pour tout crime ou délit sans considération des strictes nécessités de l’enquête en cours, méconnaît les articles 2 et 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, l’article 66 de la Constitution, le principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine et le principe d’inviolabilité du corps humain ;

6.Considérant qu’aux termes de l’article 2 de la Déclaration de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression » ; que la liberté proclamée par cet article implique le respect de la vie privée ;

7.Considérant que le Préambule de la Constitution de 1946 a réaffirmé que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés ; que la sauvegarde de la dignité de la personne contre toute forme d’asservissement et de dégradation est au nombre de ces droits et constitue un principe à valeur constitutionnelle ; qu’il appartient, dès lors, au législateur, compétent en application de l’article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant le droit pénal et la procédure pénale, de déterminer les conditions et les modalités des enquêtes et informations judiciaires dans le respect de la dignité de la personne ;

8.Considérant qu’aux termes de l’article 9 de la Déclaration de 1789 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi » ;

9.Considérant qu’en vertu de l’article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant la procédure pénale ; qu’aux termes de son article 66 : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. ° L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ;

10.Considérant, en premier lieu, que le législateur tient de l’article 34 de la Constitution l’obligation de fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale ; que, s’agissant de la procédure pénale, cette exigence s’impose notamment pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d’infractions ;

11.Considérant, en second lieu, qu’il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et la recherche des auteurs d’infractions, toutes deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d’autre part, la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis, au nombre desquels figurent le respect de la vie privée, protégé par l’article 2 de la Déclaration de 1789, le respect de la présomption d’innocence, le principe de dignité de la personne humaine, ainsi que la liberté individuelle que l’article 66 place sous la protection de l’autorité judiciaire ; qu’ainsi, si le législateur peut prévoir des mesures d’investigation spéciales en vue de constater des crimes et délits d’une gravité et d’une complexité particulières, d’en rassembler les preuves et d’en rechercher les auteurs, c’est sous réserve que ces mesures soient conduites dans le respect des prérogatives de l’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle en vertu de l’article 66 de la Constitution, et que les restrictions qu’elles apportent aux droits et libertés constitutionnellement garantis soient nécessaires à la manifestation de la vérité, proportionnées à la gravité et à la complexité des infractions commises et n’introduisent pas de discriminations injustifiées ;

. En ce qui concerne le prélèvement et l’enregistrement des empreintes génétiques :

12.Considérant, en premier lieu, que, si, dans les cas prévus aux deuxième et troisième alinéas de l’article 706-54, un officier de police judiciaire peut décider d’office un prélèvement biologique aux fins de rapprochement ou de conservation au fichier, un tel acte, nécessairement accompli dans le cadre d’une enquête ou d’une instruction judiciaires, est placé sous le contrôle du procureur de la République ou du juge d’instruction lesquels dirigent son activité conformément aux dispositions du code de procédure pénale ; que les empreintes peuvent être retirées du fichier sur instruction du procureur de la République ; qu’enfin, aux termes du premier alinéa de l’article 706-54, le fichier est placé sous le contrôle d’un magistrat ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l’article 66 de la Constitution doit être écarté ;

13.Considérant, en deuxième lieu, que le prélèvement biologique visé aux deuxième et troisième alinéas de l’article 706-54 ne peut être effectué sans l’accord de l’intéressé ; que, selon le quatrième alinéa du paragraphe I de l’article 706-56, lorsqu’il n’est pas possible de procéder à un prélèvement biologique sur une personne, l’identification de son empreinte génétique peut être réalisée à partir de matériel biologique qui se serait naturellement détaché de son corps ; qu’en tout état de cause, le prélèvement n’implique aucune intervention corporelle interne ; qu’il ne comporte aucun procédé douloureux, intrusif ou attentatoire à la dignité des personnes ;

14.Considérant que, selon le premier alinéa de l’article 706-54, le fichier n’est constitué qu’en vue de faciliter l’identification et la recherche des auteurs de certaines infractions ; qu’à cette fin, le cinquième alinéa de cet article prescrit que : « Les empreintes génétiques conservées dans ce fichier ne peuvent être réalisées qu’à partir de segments d’acide désoxyribonucléique non codants, à l’exception du segment correspondant au marqueur du sexe » ; qu’ainsi, la disposition contestée n’autorise pas l’examen des caractéristiques génétiques des personnes ayant fait l’objet de ces prélèvements mais permet seulement leur identification par les empreintes génétiques ;

15.Considérant qu’en conséquence, manquent en fait les griefs tirés de l’atteinte à l’inviolabilité du corps humain, au principe du respect de la dignité de la personne humaine et à la liberté individuelle ;

16.Considérant, en troisième lieu, que le fichier relève du contrôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés en application des dispositions et selon les modalités prévues par la loi du 6 janvier 1978 susvisée ; que, selon les dispositions de l’article 706-54, il est en outre placé sous le contrôle d’un magistrat ; qu’il est constitué en vue de l’identification et de la recherche des auteurs de certaines infractions et ne centralise que les traces et empreintes concernant les mêmes infractions ; que l’inscription au fichier concerne, outre les personnes condamnées pour ces infractions, celles à l’encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles les aient commises ; que, pour ces dernières, les empreintes prélevées dans le cadre d’une enquête ou d’une information judiciaires sont conservées dans le fichier sur décision d’un officier de police judiciaire agissant soit d’office, soit à la demande du procureur de la République ou du juge d’instruction ; qu’une procédure d’effacement est, dans ce cas, prévue par le législateur, lorsque la conservation des empreintes n’apparaît plus nécessaire compte tenu de la finalité du fichier ; que le refus du procureur de la République de procéder à cet effacement est susceptible de recours devant le juge des libertés et de la détention dont la décision peut être contestée devant le président de la chambre de l’instruction ; qu’enfin, toute personne bénéficie d’un droit d’accès direct auprès du responsable du fichier en application de l’article 39 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée ; que, dès lors, ces dispositions sont de nature à assurer, entre le respect de la vie privée et la sauvegarde de l’ordre public, une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée ; que le grief tiré de ce que la mise en œuvre du fichier ne serait pas assortie de garanties appropriées doit être écarté ;

17.Considérant, en quatrième lieu, que le prélèvement biologique aux fins de la conservation au fichier, prévu par le deuxième alinéa de l’article 706-54, des empreintes génétiques des personnes à l’encontre desquelles il existe des indices graves et concordants rendant vraisemblable qu’elles aient commis certaines infractions et le prélèvement biologique aux fins de rapprochement d’empreintes, prévu par le troisième alinéa de l’article 706-54, auquel il peut être procédé sur toute personne à l’encontre de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis l’un de ces mêmes crimes ou délits, n’emportent ni déclaration ni présomption de culpabilité ; qu’ils peuvent au contraire établir l’innocence des personnes qui en sont l’objet ; que l’obligation pénalement sanctionnée de se soumettre au prélèvement, qui n’implique pas davantage de reconnaissance de culpabilité, n’est pas contraire à la règle selon laquelle nul n’est tenu de s’accuser ; que, dès lors, ces dispositions ne portent pas atteinte à la présomption d’innocence ;

18.Considérant, en cinquième lieu, que l’enregistrement au fichier des empreintes génétiques de personnes condamnées pour des infractions particulières ainsi que des personnes à l’encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elles aient commis l’une de ces infractions est nécessaire à l’identification et à la recherche des auteurs de ces crimes ou délits ; que le dernier alinéa de l’article 706-54 renvoie au décret le soin de préciser notamment la durée de conservation des informations enregistrées ; que, dès lors, il appartient au pouvoir réglementaire de proportionner la durée de conservation de ces données personnelles, compte tenu de l’objet du fichier, à la nature ou à la gravité des infractions concernées tout en adaptant ces modalités aux spécificités de la délinquance des mineurs ; que, sous cette réserve, le renvoi au décret n’est pas contraire à l’article 9 de la Déclaration de 1789 ;

. En ce qui concerne le prélèvement aux fins de rapprochement avec les données du fichier :

19.Considérant qu’aux termes du troisième alinéa de l’article 706-54, les officiers de police judiciaire peuvent également, d’office ou à la demande du procureur de la République ou du juge d’instruction, faire procéder à un rapprochement de l’empreinte de toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis un crime ou un délit, avec les données incluses au fichier, sans toutefois que cette empreinte puisse y être conservée ; que l’expression « crime ou délit » ici employée par le législateur doit être interprétée comme renvoyant aux infractions énumérées par l’article 706-55 ; que, sous cette réserve, le troisième alinéa de l’article 706-54 du code de procédure pénale n’est pas contraire à l’article 9 de la Déclaration de 1789 ;

20.Considérant, par suite, que, sous les réserves énoncées aux considérants 18 et 19, les conditions dans lesquelles sont recueillies et conservées les empreintes génétiques des intéressés ne portent pas atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ;

- SUR L’ARTICLE 706-55 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE :

21.Considérant que, selon le requérant, le troisième alinéa de l’article 706-55, qui permet la centralisation des empreintes génétiques pour certaines infractions commises contre les biens, confère au fichier national automatisé des empreintes génétiques un champ d’application disproportionné et serait de ce fait contraire aux articles 2, 8, 9 et 16 de la Déclaration de 1789, à l’article 66 de la Constitution, au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine et à l’inviolabilité du corps humain ;

22.Considérant que selon l’article 706-55, le fichier national automatisé des empreintes génétiques centralise les traces et empreintes génétiques concernant des infractions de nature sexuelle, les crimes contre l’humanité et les crimes et délits d’atteintes volontaires à la vie de la personne, de torture et actes de barbarie, de violences volontaires, de menaces d’atteintes aux personnes, de trafic de stupéfiants, d’atteintes aux libertés de la personne, de traite des êtres humains, de proxénétisme, d’exploitation de la mendicité et de mise en péril des mineurs, les crimes et délits de vols, d’extorsions, d’escroqueries, de destructions, de dégradations, de détériorations et de menaces d’atteintes aux biens, les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, les actes de terrorisme, la fausse monnaie et l’association de malfaiteurs, certaines infractions à la législation sur les armes et explosifs, les infractions de recel ou de blanchiment du produit de l’une des infractions ; que ces crimes et délits sont précisément et limitativement énumérés ; qu’outre les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, toutes ces infractions portent atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, incriminent des faits en permettant la commission ou ceux qui en tirent bénéfice ; qu’à l’exception de l’infraction prévue au second alinéa de l’article 322-1 du code pénal, toutes sont au moins punies de peines d’emprisonnement ; que pour l’ensemble de ces infractions, les rapprochements opérés avec des empreintes génétiques provenant des traces et prélèvements enregistrés au fichier sont aptes à contribuer à l’identification et à la recherche de leurs auteurs ; qu’il en résulte que la liste prévue par l’article 706-55 est en adéquation avec l’objectif poursuivi par le législateur et que cet article ne soumet pas les intéressés à une rigueur qui ne serait pas nécessaire et ne porte atteinte à aucun des droits et libertés invoqués ;

- SUR L’ARTICLE 706-56 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE :

23.Considérant que le requérant fait grief au premier alinéa du paragraphe II de l’article 706-56, qui incrimine le refus de prélèvement prévu par le troisième alinéa de l’article 706-54, de porter atteinte aux articles 2, 8, 9 et 16 de la Déclaration de 1789, à l’article 66 de la Constitution, au principe non bis in idem, au principe constitutionnel de sauvegarde de la dignité de la personne humaine et au principe d’inviolabilité du corps humain en ce qu’il permet la condamnation réitérée des personnes qui refusent de se soumettre au prélèvement biologique, à l’occasion de poursuites engagées pour les mêmes faits, d’abord au cours de l’enquête puis après condamnation ;

24.Considérant qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant… la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables » ; que l’article 61-1 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions législatives soumises à son examen ;

25.Considérant qu’en punissant le refus de prélèvement biologique par une peine maximale d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende en principe, et de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende lorsque le refus est opposé par une personne condamnée pour crime, le législateur n’a pas institué une peine manifestement disproportionnée ; que la réitération du refus à des périodes et en des circonstances différentes peut donner lieu à des poursuites et des condamnations distinctes sans méconnaître le principe non bis in idem ; qu’enfin, le délit prévu par le paragraphe II de l’article 706-56 ne figure pas dans les infractions mentionnées à l’article 706-55 autorisant le prélèvement biologique ; qu’il s’ensuit que les dispositions du paragraphe II de l’article 706-56 ne portent atteinte à aucun des droits et libertés invoqués ;

26.Considérant que, sous les réserves énoncées aux considérants 18 et 19, les articles 706-54, 706-55 et 706-56 du code de procédure pénale ne sont pas contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit,

DÉCIDE :

Article 1er.- Sous les réserves énoncées aux considérants 18 et 19, l’article 706-54 du code de procédure pénale dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 mars 2010 précitée est conforme à la Constitution.

Article 2.- L’article 706-55 du code de procédure pénale et l’article 706-56 du même code, dans leur rédaction antérieure à la même loi, sont conformes à la Constitution.

Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23 11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.

Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 16 septembre 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.

Rendu public le 16 septembre 2010.


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